Chapitre 2 - La colère du Roi

Marie m'avait conseillé d'aller voir Al qui comme à son habitude était enfermé dans son bureau. Une fois mis au courant, il pesta me ne m'éclaira pas plus.

- Dépêchons un Espion, qu'il aille voir ce qui se trame là-bas.
- Père, c'est impossible. Il n'y a que moi qui connaisse la signature énergique que ce jeune homme, et personne ne maîtrise assez bien la téléportation pour s'aventurer dans une mission aussi périlleuse.
- Tu veux donc je mette en danger la vie de mon aînée, possédant un pouvoir et un savoir remarquable pour quelqu'un de moins de mille ans, juste parce que tu te ventes d'être la seule à pouvoir le faire ?
- Oui père.

Un drôle de rictus se forma sur les lèvres d'Al. Finalement, il se mit à ricaner.

- Tu as renoncé au trône dès que l'existence de Marie a été annoncée. Tu nous as trahi en t'alliant à cette Vampire. Tu n'en fais qu'à ta tête et quand bien même je donnerais cette mission à un autre, tu l'effectuerais tout de même. Tu n'es pas un bon soldat, tu ne le seras jamais. Alors va perdre ta vie inutilement et évite une guerre. Maintenant.

Le temps de prévenir tout le monde que je partais, de prendre toutes mes armes et ma tenue de combat, j'avais déjà perdu toute confiance en moi. Brandissant ma clef pour condenser ma magie, je lui fis lire la signature énergétique de cet Alexander Wolf avant de tourner la clef dans le vide. Un portail s'ouvrit, dans lequel je me jetai.

Tout d'abord, je cru que j'étais devenue aveugle. Tout étais blanc, et c'était atroce pour mes yeux bien trop sensible. Même avec ma visibilité humaine, je restais éblouie. Le meilleur moyen me faire repérer était de rester plantée là, aussi je courus dans un endroit plus caché me semblait-il.
Dès qu'une personne eu le malheur de passer près de moi, je lui brisai le cou et enfilai ses habits avant de déguster son coeur. Sûrement un ange. Un gros poulet. Ne pouvant lui voler ses ailes, mon déguisement était incomplet. Mais il fallait rester discrète...
Je compris une seconde trop tard que je n'aurais pas dû le tuer. Comment éviter une guerre si je commençais comme ça ? Usant du pouvoir de Cae qui était étrangement affaibli, j'utilisai presque toute mon énergie pour le ressusciter. Après cela, j'en profitai pour fuir tout droit ver ce qui semblait être un grand bâtiment bondé. Il était là.

En entendant ce son strident et désagréable, je compris que j'avais définitivement fait une connerie. Allant chercher l'ange -et lui rendant au passage ses vêtements- je me précipitais avec les autres vers un endroit inconnu.
Je n'aurais su dire si la créature que je portais était mâle ou femelle, mais une chose était sûre : elle ne devait pas se faire assassiner. Les êtres d'ici ne sont pas comme des insectes que l'on peut écraser sans importance, mais plutôt comme... Des fraises. Beau, liés entre eux, et je ne pouvais pas les saquer.
M'approchant au plus d'une sorte de large estrade, je repérai le visage de ce fils de Dieu dont les yeux semblaient briller d'un éclair de haine. Attendant mon moment pour entrer en scène, je préférais attendre ce qu'il avait à dire.

Bon, c'était mon tour. Je sautai sur la scène, le corps de l'ange toujours dans mes bras. Le visage de Sébastien était indescriptible, mais il n'avait certainement pas l'air content.

- Peuple de ces lieux, me voici, Mira Philiane ! Toi, Sébastien Alexander Wolf, tu veux me tuer ? Fais-le donc, je ne crains pas la mort ! Tu veux anéantir ma race ? Fais-le donc, nous n'avons pas grande importance !

L'assemblée semblait surpris par mon apparition, et encore plus par mes propos. Ici, la vie devait avoir de l'importance.

- Voici un ange que j'ai tué, avec mes pouvoirs d'ombre ! dis-je en posant délicatement le corps au sol. Et voici ce même ange, que j'ai ressuscité avec ces mêmes pouvoirs !

Une vague de murmures parcourue la foule. On voyait distinctement la créature à mes pieds qui respirait, remuait un peu.

- Tu dis vouloir voler le savoir des Érudits de mon peuple ? Te voilà bien ignorant, car les Érudits ne possèdent pas plus de savoir que les autres ! Notre seule tâche est d'analyser ce savoir et d'en tirer les conclusions qui nous serviraient pour bien diriger notre peuple. N'importe quel Loup-Garou est aussi savant que moi, mais rares sont ceux qui ont l'intelligence nécessaire pour se servir de ce savoir. Cependant, si c'est ma sagesse que tu veux, je te la donne. Si tu veux étudier et comprendre mon monde et son fonctionnement, alors je t'apprendrais tout.

Nouveau murmure, moins important.

- Cependant, si ton seul but est de faire couler le sang des créatures vils, je n'ai pas le pouvoir de t'empêcher. Sache cependant ceci : un monde fait uniquement de ténèbres est aussi voué à sa perte qu'un monde de lumières. Il n'y a pas de bien sans mal. Nous sommes des créatures du mal dans un monde où les Humains sont bons. Seulement, ils nous tueraient si on s'approchait d'eux. Nous les chassons pour survivre, mais nous ne les attaquons pas. Il en va de l'équilibre du monde.

Plus personne ne bougeait, aussi je décidai de finir ma petite tirade.

- Je tiens à te présenter mes excuses pour la cruelle attaque que j'ai fait à cet ange, aussi je m'en remets à toi quant à ma sanction. Mais ne prends pas ça comme une attaque de ma race vers la tienne. Je viens pour la paix.

Je devais faire peut crédible, mais j'étais sincère. A lui de voir ce qu'il en pensait. J'avais toutes mes armes à portée de main, mais je ne comptais pas m'en servir. J'attendais juste que le temps s'écoule jusque ma mort prochaine.

La tête contre le mur, je me répétais tout ce que je savais sur les prisons. Ce qui était beaucoup. Je méditais aussi les paroles du jeune loup. J'avais fait une erreur, et je le reconnaissais. Mais quel savoir était inutile ? Inintéressant je pouvais le concevoir, mais inutile... Un tel propos me choquer, plus que de voir ma mort prochaine.
Sans Leochain, je me sentais nue. Je ne pouvais même pas invoquer un filet d'eau pour me tenir compagnie. Ma vue était réduite à une correction de base, mes griffes et mes dents étaient sorties de force lorsqu'ils m'avaient celés mes pouvoirs. Je me retrouvais dans ma forme la plus laide, l'étape intermédiaire entre le loup et l'homme. Mais cela ne me dérangeait pas. Qu'il me voit tel que je suis, pas comme il faut qu'on me voit.
Tout ceux que je connaissais m'avaient vanté la gentillesse et la tolérance des Anges et des Dieux. Cependant, ils nous étaient exactement semblables : ignorants et bornés. Ils étaient seulement plus sensibles à leurs émotions, que nous ressentons bien faiblement. Le côté du bien devait les encourager à agir selon leur coeur. Nous, nous ne pouvons pas. Nous n'avons pas ce "coeur". Alors nous obéissions aux lois implacables de la raison, sans se demander si nous faisons bien de faire ce que l'on fait. On le fait, c'est tout.
J'eu une pensée pour Marie, que je n'instruirais ni ne conseillerais jamais. Heureusement, elle ne dirigera pas tous les Loup-Garou, seulement ceux des pôles, c'est à dire presque personne. Peut-être que Sébastien l'ignore ça, que notre pouvoir n'est pas totalement héréditaire. Je ne pourrais jamais lui apprendre aussi, puisque je vais mourir. Et il y a Lila, que je n'ai pas vu depuis si longtemps. Nos longues lettres n'y feront jamais rien, sa présence me manque. Mais nous ne sommes séparés que par des obligations qui bientôt cesseront. Elle sera sûrement peinée d'apprendre ma mort. Peut-être cherchera t-elle à me venger. Ce pourrait être drôle.
J'allais continuer à penser à tous ceux qui le méritait quand le geôlier ouvrit ma cellule et m'agrippa le bras en sortir. Alors dans quelques minutes, je serais morte. J'aimerais que Sébastien le fasse, ça me donnerait un peu d'honneur dans ma mort.
Je vois de la lumière, le moment approche, vite. Marie, Lila, Vassago, Bernkastel, Lubi, Tutan, Ipos, Gusoyn, Eligite, Lucas, Clairine, Caro, Sophie, et Fénin. Je ferais pas l'honneur à Time de penser à lui. Et maintenant, je sors.

Deux chemins s'offraient à moi. Si je voulais effectuer la mission donnée par mon père, je devais empoigner cette main. Et à vrai dire, c'est ce que j'allais faire. Mais quelque chose chez lui m'énervait. Il pensait que nous étions semblable, ce qui était faux. Et je devais le lui faire comprendre.

- Je ne peux m'engager à renier ma nature. J'ai dû mal à comprendre ta tolérance pour toutes les créatures, et tu as du mal à comprendre pourquoi je tues les Humains sans effectuer une bonne action pour eux. Si je sers cette main, serais-je obligée de devenir quelqu'un d'autre, ou puis-je t'expliquer franchement toute ma façon de pensée ?

Je n'avais pas été très claire, j'avais moi-même du mal à comprendre ce que j'avais dis. Aussi...

- Donc en gros, tu me laisse tuer qui je veux dans mon monde et je te laisse m'en vouloir pour ça. En gros.

A mon tour de soupirer.

- Je ne tues pas les innocents sans penser aux conséquences. Pour ton ange, c'était une connerie, je l'admets. Mais je me renseigne sur les Humains que je tues pour me nourrir. Seulement, en cas de guerre, il m'arrive d'en tuer par nécessité de survie. Tu connais la guerre, alors je suppose que tu peux comprendre cela.

Légèrement apeurée, je lui serais la main.

- Au fait, tu n'aimes pas la forme dans laquelle tu m'as vu tout à l'heure n'est-ce pas ? Nous sommes laids par nature, c'est aussi quelque chose que tu devrais accepter. Et je n'ai pas de frères.

Je souriais maintenant. J'avais envie de lui montrer le savoir millénaire de ma race, mais il n'était pas encore temps. Ni pour lui, ni pour moi.

- Bon, on fait quoi maintenant ?

Une chaude cape se fit rabattre sur mes épaules. Je fermai les yeux et pris la main qu'il me tendait. Quelques secondes plus tard, je tenais un papier à l'air très formel.

- Qu'est-ce ?

J'avais l'impression qu'il me prenait un peu pour une gosse, mais je ne dis rien. Après tout, cette affaire était terminée, autant ne pas en remettre une louche.
Par ailleurs, je n'étais pas contre un peu de détente, aussi je fis valser la cape de sur mes épaules pour faire ré-apparaître mes vêtements classiques. Même si j'aimais franchement être nue, ma chemise m'avais manquée...

- Soit, mais quelque part où nous serons seuls, avec un piano.

J'avais une folle envie de jouer du piano...

Je commençai à me demander si cet air contrarié était son visage naturel quand un éclair de génie sembla le traverser.
Chez lui ? J'avoue que j'étais curieuse.

- C'est où ? Et on y va comment ?