Chapitre V - Construire l'avenir

Je n'avais même pas eu le temps de rentrer chez moi. Que dirais Al ? Que commencer une relation diplomatique par la soumission du représentant était une grave erreur tactique. Et Lila ? Je n'étais plus son serviteur depuis longtemps déjà, mais que penserait-elle ? Je sais qu'elle n'était pas à ça près, mais l'abandonner de cette façon... Et Lucas, et Marie ? Leur avis n'étaient pas importants, mais ils comptaient pour moi...
Enfin, j'avais commencé par être la servante de Lila alors on n'était plus à ça près. Ce n'était pas une soumission totale non plus. J'étais servante en temps qu'individu, pour un individu. Je n'asservissais pas mon peuple par ce geste.

- Oui, je suis sûre.

Faut dire aussi que la servitude m'avait manqué...

Je signais donc. Un pacte de sang, enfin quelque chose d'une vraie valeur !
Maintenant, je regardais rapidement le pacte. A première vue, rien ne s'ajoutait à ce qu'on avait convenu il y a quelques instants. Il l'avait écrit vachement vite ce truc n'empêche... Ah mais tiens. Il restait une chose à mettre au clair.

- Mais en fait, je vais faire quoi exactement ici ?

Ç'avait l'air ennuyeux à mourir ces bêtises... Dans mon travail, je n'avais jamais eu vraiment de papier à remplir. Chaque mission d'exploration, chaque attaque demandais un rapport, mais hormis ça rien de bien complexe. Noter mes découvertes, c'était devenu un réflexe, aussi ranger ou trier n'était pas un réel problème.
C'était le truc des conseils qui ne me disait rien... Moi qui essayait d'échapper aux prises de décisions et aux longs débats de mon monde, je devrais assister à ceux du sien... Enfin, j'y apprendrais peut-être des choses. Au final, ça allait plus ou moins.

- Et je dors où ?

Oui parce qu'il fallait bien être terre à terre de temps en temps.

J'avais baissé les yeux, les joues rouges. Je n'avais pas partagé le lit d'un homme depuis... Vassago ne comptait pas comme un homme. Et Lucas non plus, c'était de la famille. Donc... Depuis quelque mois tout de même. Qui plus est, un homme pour lequel j'allais travaillé...
Il fallait que j'arrête de me faire des films. Dormir, ça ne voulait pas dire baiser. Bien que je voyais mal pourquoi il voulait que je dorme avec lui, il devait y avoir pleins de pièces dans ce château. Enfin, mieux valait ne pas commencer à se demander quelles forces obscures le guidaient dans ses choix. Un mouvement me fit lever la tête : un petit chat sortait de derrière le fauteuil. Je l'ignorais pour me re-concentrer sur Sébastien.

- Bien, j'accepte à une condition. Je retournerais dans mon monde d'origine tous les 28 jours. Ça te va ?

J'avais tout d'abord envie de le tuer pour s'être fichu de moi, mais vu qu'il ne plaisantait qu'à moitié, je soupirais. J'aurais le temps de l'empoisonner dans son sommeil. Je remarquai tout de même son attention particulière à ne pas me mélanger avec les basses classes. Ça ne me faisait ni chaud ni froid, mais il savait recevoir.
Par ailleurs, ce n'était pas franchement pour ma famille que je rentrais, mais laissons ça de côté.

- D'accord... Vous pourriez me faire visiter, pour que je puisse me repérer en cas de besoin ?

Voir me donner un plan, ce serait pas de trop...

Je voyais à peu près où se trouvait ce qu'il venait de dessiner. Je voyais pas mal de chemins pour accéder à la sortie depuis sa chambre. J'imprimai le plan dans ma mémoire maintenant, histoire d'être sûre de le retenir. Quelques minutes plus tard, après avoir bien enregistré chaque détails, je relevai la tête.

- C'est bon.

Je m'en allai donc vers l'extérieur de pièce. Eclairé par la lune, il avait moins l'air d'un loup sanguinaire que d'un adorable chaton. Adorable chaton, ces mots sonnaient si mal dans ma bouche...
Je me mis en marche sans plus attendre. Il me semblait que les escaliers étaient à quelques couloirs de là. Après deux tournants, j'en vins à me demander s'il n'avait pas plutôt fallu tourner à gauche. Pourtant, dans ma tête, c'était bien par la droite. Je crois... Après quelques pas, je fus rassurée : les escaliers étaient en vue. J’accélérai un peu le pas, je n'avais pas envie qu'il voit à quel point le sens de l'orientation me manquait. Ce devait être l'une de mes seules faiblesses.
Après avoir monté trois ou quatre étages, je tournai vers les couloirs. Quelques minutes plus tard, j'étais face au portrait d'un grand loup blanc à l'air féroce.

- Je crois que c'est pas par ici en fait...

Je reculai un peu, me demandant comment revenir sur mes pas.

Arrivée, je me sentis un peu humiliée. En fait, il n'y avait pas de raison à cela, j'aurais voulu prouver à mon nouveau maître que je n'étais inutile. Chose qui n'avait jamais réussi à se graver dans la tête de Lila...
Je poussai donc les battants de la lourde porte, sans efforts.

- Merci, je ferais plus attention la prochaine fois.

'foiré...