Chapitre XII : dessine-moi une conversation.

J'étais assise devant la cheminée, en train de relire des papiers. Il me regardai, allongé entre le feu et moi.
Depuis qu'il m'avait obligé à garder cette forme adulte, je ne mettais que des robes. Celle d'aujourd'hui était longue, elle m'arrivait sous le genoux. Elle était assez large mais un ruban la cintrait juste sous ma poitrine. Elle était attachée par des bretelles. Tout était bleu.
Ça devait faire moins d'un moi que j'étais enceinte... Je n'avais pas eu le courage de l'annoncer à Al. Mais j'avais un siècle pour ça après tout, non ? Enfin, il fallait que ce soit fait, et vite.
J'en avais marre de relire des notes sans arriver à les retenir. Je mis mes feuilles de côté pour me concentrer sur Seb, qui souriait.

- Dis. Pourquoi tu tenais tant à me tuer, avant qu'on soit vraiment ensembles ?

Je n'avais pas oublié ce qu'il avait dit cette nuit-là, juste avant que je m'endormes. Et à vrai dire, je ne comprenais toujours pas d'où venait cet amour fou...

Sa question était intéressante. Je n'étais pas sûre d'avoir moi-même la réponse. Sa mère m'avait dit de l'arrêter, alors je l'avais fait. Et puis, lorsque j'avais su qu'il ne me haïssait peut-être pas, j'avais voulu reprendre ma place à ses côtés. J'aurais été heureuse, mais sans cette relation qui m'étais si chère maintenant.

- Je ne sais pas vraiment... Je crois que je t'aime depuis que je vis ici. Voir même avant. Alors, c'était naturel que je m'accroche à toi...

J'avais beau dire, je n'en étais pas vraiment sûre. Mais cette réponse m'allait parfaitement alors je ne voulais pas me compliquer la vie.

- Mais d'où te vient cet amour alors ?

Je l'embrassai encore, mettant une main sur la sienne. Quel bonheur d'être là à discuter, tous les deux...

- Mais pourquoi moi ? Il y a bien d'autres filles dans ton entourage, qui te correspondraient sûrement mieux...

Même maintenant, je ne pouvais pas oublier sa réaction en voyant ma vraie nature. Il ne fallait pas qu'il l'oublie, ou je le blesserais une nouvelle fois.

Je frémissais à chacun de ses baisers. Par ses gestes et par ses mots, il touchait toujours au fond de mon coeur. C'était si doux... Je l'enlaçai tendrement, le laissant promener ses lèvres où il le souhaitait.

- Et moi c'est bien parce que tu sais me parler ou prendre soin de moi comme ça que je resterai à tes côtés, même si tu entre à nouveau dans ce genre de colère...

Je le laissais faire. Devais-je lui en parler maintenant ? De toute façon, si ce n'était pas maintenant, ce ne serait jamais le moment.

- En parlant de ça...

Je n'avais pas envie de lui dire, je ne voulais le décevoir et le mettre en colère à nouveau. Mais il le fallait.

- Il y a une malédiction chez nous. Lorsqu'une femelle porte un enfant, elle attend forcément des jumeaux et... Si elle n'en tue pas un à la naissance, les deux mourront... Je ne sais pas si ça se passera puisque que tu n'es pas de la même race que moi mais, je ne sais pas non plus si on peut contourner cette malédiction...

Je baissai les yeux, appuyant sa main contre mon ventre. Je ne voulais pas qu'il soit en colère, qu'il parte, qu'il nous fasse du mal... Que je le déçoive...

J'étais soulagée... Alors Chalinka était son nom. Elle n'était pas si laide... Mais elle devait être âgée, en effet. Son pouvoir devait n'en être que plus grand. Pour ce qui était d'Al, je pourrais voir ça plus tard. C'était une sorte de magie administrative qu'il était facile de contourner.
Ses crocs sur ma joue me ramenèrent à la réalité. Pour le moment, il n'y avait pas de raison de s'inquiéter. Si Seb était avec moi, alors tout irait bien. Je pris son visage entre mes mains pour l'embrasser avec passion.

- Je t'aime mon loup.

Je le poussai contre le sol, m'allongeant à ses côtés, reposant à demi sur lui.

- Dis-moi... T'as eu d'autres copines avant moi ?

J'avais choisi avec soin le mot "copine". J'espérai qu'il n'avait pas eu de relation profonde avant moi. Ce qui ne m'étonnerait pas tant que ça, mais me rendrait quand même jalouse...

La façon dont il traitait ses anciennes maîtresses étaient... Tellement glorifiantes. J'étais la véritable première femme de sa vie. C'était bon comme sentiment, d'être la première à faire battre le coeur de l'homme que vous aimez. Cependant, j'avais envie de le taquiner.

- Uu, alors c'est comme ça que tu parleras de moi plus tard ?

Je le regardais avec une moue boudeuse, me retenant difficilement de ne pas sourire.

Il me portait tout contre lui, partageant mon regard. J'étais comment dire... Sous le charme ? Subjuguée ? Je ne pouvais mettre de mots sur ce que je ressentais. C'était trop fort, trop beau, trop bon. Je mis ma tête contre son épaule avant de poser mes lèvres près de son oreille.

- Alors je tâcherais d'être digne de cet amour. Je te calmerais lorsque tu seras en colère, je te soignerais lorsque tu seras blessé, je te consolerais lorsque tu seras triste. Je t'honorerais dans tes victoires et te vengerais dans tes défaites. Mais aussi, je ferais tout pour garantir ton bonheur, pour rendre ta vie belle, pour que tu gardes toi aussi ton merveilleux sourire.

Je n'arrivais pas à mettre de mots sur ce que je ressentais. Aussi, à défaut d'être aussi spectaculaire que lui dans une déclaration, je l'embrassai aussi fort que je le pouvais. Je voulais qu'il sente que mes sentiments étaient réciproques et aussi puissants que les siens.

Je dégageai mes jambes pour me tenir debout, toujours collée à lui. Je pris sa joue dans ma main pour l'obliger à me regarder.

- Ne t'en fais pas pour ça. Pourrais-je éviter que leur côté sombre prennent le dessus ? Et pour moi, arriverais-je à mettre mes ténèbres de côté pour les élever comme il se doit ? Je ne sais pas si je le pourrais. Mais je sais que je prendrais soin de ces enfants, que je les aimerais comme il le mérite. Alors, n'ais crainte, même si tu as peur, nous les élèverons et les aimerons. Ce sont nos enfants après tout.

Je lassai glisser ma main sur son coeur. Je ne l'avais jamais vu avoir peur. Je ne voulais pas qu'il ait peur.

- N'ait pas peur. Tu es un guerrier, tu ne dois jamais avoir peur. Tu dois protéger ta famille, et moi je la ferais vivre en harmonie.

Je m'avançai vers la fenêtre, regardant les grandes étendues enneigées qui s'étendaient à l'infini. Ca ressemblait un peu à chez moi. Mes enfants seront à l'aise ici, ils pourront grandir librement.

Je pris ses mains pour les descendre sur moi, histoire qu'il me sert fort contre lui. J'avais hâte que ces enfants naissent, de pouvoir leur montrer toutes les merveilles de la vie. Et je voulais prouver à Seb qu'il pouvait être aimant. Il l'était tellement avec moi...
J'avais encore envie de l'embêter un peu.

- Tu n'as eu que des maîtresses femmes ? Pas d'hommes ?

J'étais morte de rire intérieurement. Je ne le voyais tellement pas avec un homme...

Je l'embrassais tendrement pour laver cet "arrière-goût". Ses lèvres si douces, et leur goût délicieux, c'était si agréable. Je me détachai un peu de lui en souriant.

- C'est sûr que toi avec un homme, ça ne le fais... J'ai de bons souvenirs de mes aventures avec les femmes moi.

Cette conversation virait vers quelque chose que je préférais éviter... Même si la dernière fois m'avait laissé de merveilleux souvenirs. Et des enfants aussi.

- Hmm... Ta première fois, c'était avec qui ?

Je m'étais mise devant, toute sourire. Mes questions n'avaient vraiment pas l'air de le choquer, c'était ennuyeux...

J'avais fait une bourde là... Je le pris dans mes bras et embrassai son front.

- Tout va bien mon cœur, c'est juste un mauvais souvenir. Ça n'arrivera plus, tout va bien...

J'aurais quand même voulu savoir ce qui avait pu tant choquer ce soldat si fier. Personnellement, ma première fois avait été supportable... Si on oublie que Lucas voulait juste me prouver à quel point une fille était faible.
Changer de sujet était la meilleur solution. Mais de quoi parler ? Je lui avais dis mille fois que je l'aimais. Je ne voulais pas entamer une conversation glissante sur des sujets qui le mettaient mal à l'aise. Je me mis à détailer son corps.

- Et ils viennent d'où, tous ces tatouages ?

Je soupirai. Ces pensées néfastes n'avaient rien de bons pour lui. Mes yeux devinrent clairs et je plaçai deux doigts sur sa tempe qui s'éclaira d'une lumière. Je fis passer ce geste pour une simple caresse en reprenant mes yeux normaux. Ce n'était qu'un sceau mineur qui calmerai sont instinct à s'inquiéter pour nos enfants.

- Mais il me semblait en avoir vu un plus petit sur ton bras ou dans ce coin là...

Je l'avais remarqué il y avait déjà un bon bout de temps, mais je ne me souvenais plus si j'avais rêvé ou s'il avait vraiment un tel tatouage.
Au moins, si la présence de la graine de fureur générait ce tatouage, il serait facile pour moi de les calmer. Si seulement j'avais su ça quand Seb était en colère, tout aurait été plus simple...